Le défi logistique du Service automobile pour la défense de Verdun, 1916


Le défi logistique du Service automobile pour la défense de Verdun, 1916


L’armée française, consécutivement à sa défaite lors de la bataille des frontières au mois d’août 1914, s’est repliée, outre la Marne, sur les hauts de Meuse. Dès lors, dans cette zone géographique, l’objectif est de maintenir coûte que coûte les liaisons entre les armées et d’empêcher l’encerclement de Verdun. Les combats s’engagent dans l’Argonne et les Éparges (guerre des mines), la Woëvre et Saint-Mihiel. 

Source : livre « les 300 jours de Verdun » – Service historique de la Défense – Editions Italiques.

Verdun, 21 février 1916

« Après un bombardement formidable commencé à 07 heures, les Allemands se lancèrent à l’attaque le 21 février à 16 heures sur le front de 6 km Bois d’Aumont – Bois de l’Herbebois. (….). Le général Pétain est appelé d’urgence pour la direction de la bataille (…..). A partir du 26 février, grâce aux contre-offensives du 20e CA, l’avance ennemie est complètement enrayée. (….).  Il organise le service routier (en particulier « la voie sacrée » de Bar-le-Duc à Verdun). (….).»

Source : Livre « La guerre mondiale 1914-1918 », page 86, Pétain, Éditions Privat 2014

Nota : Philippe Pétain joua un rôle majeur durant la Grande Guerre. Il fut condamné, des années plus tard, pour sa politique collaborationniste avec les nazis durant la seconde guerre mondiale.

L’écrivain Paul Heuzé a rédigé un livre en 1919, consacrée à la Voie sacrée. Il explique admirablement bien son organisation et le rôle du service automobile à Verdun entre février et août 1916. Une sélection de paragraphes permet de synthétiser l’environnement et les problématiques.

Problème à résoudre pour défendre Verdun !

« (…)

  • 1° Faire affluer dans la région de Verdun environ 2.000 tonnes de munitions par jour, en moyenne ;
  • 2° Transporter les vivres et matériels divers nécessaires aux grandes unités, soit environ 100 tonnes par division, et prévoir quinze à vingt divisions ;
  • 3° Assurer le transport des troupes montantes et descendantes : prévoir quinze à vingt mille hommes par jour ;
  • 4° Procéder à l’évacuation du matériel de toute nature existant dans la place de Verdun. (….)

« On ne pouvait compter en rien sur le chemin de fer, l’unique ligne qui desservait Verdun, par Sainte-Menehould, devant fatalement être coupée par les premiers tirs allemands dans la boucle d’Aubréville.

Quant au petit chemin de fer Meusien, « tortillard » à voie étroite, qui longe à peu près la route Bar-le-Duc -Verdun, il devait certes rendre d’immenses services et il faut le saluer ici. Mais sa capacité était, au grand maximum, de 800 tonnes par jour. (….)

 Le ravitaillement et les troupes, ne pouvaient donc être amenés de l’intérieur, pratiquement. que jusqu’à Bar-le-Duc, point extrême ; et, dans ces conditions, le Service automobile, en utilisant la route à partir de Bar-Le-Duc (65 kilomètres environ), devait, lui seul, répondre de tout. (….) »

Mise à contribution de tous les services

« L’ensemble des services ainsi compris — avec les groupes de la 3e armée et ceux de la Région fortifiée de Verdun représentait cinquante et un groupes (plus de 3.500 camions).  On était sûr, ainsi, d’avoir assez de matériel. (….) »

La stratégie adoptée

« Il fut d’abord posé comme premier principe que toute la capacité du chemin de fer Meusien serait utilisée pour transporter ce qu’il serait possible de vivres, et que le Service automobile se chargerait de transporter les troupes, les munitions et le matériel du génie, ainsi que le supplément de vivres nécessaire pour permettre la constitution de dépôts dans la zone de l’avant. (….)

La route comprise entre la gare de Baudonvilliers (point arrière extrême de chargement, choisi pour désengorger Bar-le- Duc), la gare de Bar, Verdun, et les points extrêmes situés sur le circuit des forts (déchargement), fut partagée en six tronçons, appelés cantons, où le service était organisé d’une manière analogue à celui des chemins de fer. (….). »

Point noir : « le dépannage »

« Mais le point noir, c’était le « dépannage » Une voiture s’arrête sur la route. S’il s’agit d’une panne légère, l’équipe volante (atelier de la section) a vite fait de la remettre en état de roulement. Mais, si elle est immobilisée par un accident ou une blessure grave, il faut l’enlever et la ramener à l’arrière jusqu’au parc de réparation. Or, on pouvait prévoir ces accidents graves à raison de un par 100 véhicules. (…..)

Le parc de Bar ne possédait que quelques camions spéciaux, avec treuils. Il fut décidé que des camions ordinaires, demandés en hâte, seraient équipés en outillage, de manière qu’il y eût constamment une trentaine de véhicules dépanneurs. (….) »

Ainsi venait d’être créée : LA VOIE SACRÉE

« Tout a été dit sur l’importance de la bataille, sur les conséquences de l’échec allemand. Dans une note aux armées du 28 août 1916, dans laquelle il exposait la marche des opérations des Alliés, le général Joffre écrivait :

(….) ‘’ Le pays a les yeux sur vous. Vous serez de ceux dont on dira : ils ont barré aux Allemands la route de Verdun ! ‘’

Et ils n’ont pas eu Verdun.

Eh bien ! dans l’hommage rendu à ceux qui l’ont sauvé, nous ne devons pas oublier complètement les serviteurs précieux qui leur ont apporté sans relâche, sans répit, sans faiblesse, avec bravoure et parfois même avec héroïsme, les vivres, le matériel, les munitions, l’artillerie, sans lesquels ils ne pouvaient rien. (….)

Il est peut-être préférable de finir par ces paroles d’un général de là-bas, qui résument mieux, dans leur militaire et crâne crudité, toute l’ampleur du rôle joué, par le Service automobile au printemps de 1916. Il regardait passer, rêveur, devant la « Citadelle inviolée » une longue file de camions qui revenaient de Souville. Il les désigna de la main ; puis, avec simplicité : ‘’ Il est certain, dit-il, que, sans ces bougres-là, nous étions f… ! ‘’ »

Source :  La Voie sacrée. Le service automobile à Verdun (février-août 1916) / par Paul Heuzé – Édition de 1919 (Paris) – Bibliothèque nationale de France, date de mise en ligne :  05/08/2018

Permalien sur le livre complet : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k992892w

Devoir de mémoire en Barousse

« La borne kilométrique placée en bord de route, réplique de celles qui jalonnent la Voie Sacrée entre Bar-le-Duc et Verdun, rappelle le long voyage des soldats qui ont quitté, le plus souvent à pied, leurs villages par les voies et chemins de la vallée pour rejoindre leurs régiments et arriver en colonnes interminables jusqu’aux champs de bataille. »

(Source : texte issu du panneau d’information du mémorial de la Barousse à Gembrie)

Financé par les 25 communes de la Barousse, sous l’impulsion de l’association « Barousse patrimoine », le mémorial est le fruit de 05 années de travail, en partenariat avec le collège de Loures-Barousse. Le mémorial est à deux composantes : un cheminement mémoriel depuis le premier monument qu’est la borne kilométrique en bordure de la route D935 à Gembrie et un site web aisément consultable à partir du lien https://www.memorial-barousse.fr 

(Avec l’aimable autorisation du président de l’association « Barousse patrimoine » en date du 19 juin 2023)

A lire

  • La Voie sacrée de Georges Thomas, le récit complet illustré, collection « La Patrie » – Éditions 1917-1920

Permalien sur le livre complet : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k63160306

  • L’Oiseau de France : nouvelles de la guerre.

Permalien sur l’article : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k9110047r/f2.item

A savoir

Une grande partie du parcours de la Voie sacrée, à savoir un tronçon de 57,2 kilomètres situé entre Bar-le-Duc et Verdun, est balisée d’une borne commémorative de grande dimension. La borne d’origine est inaugurée par Raymond Poincaré (Président de la République) le 21 août 1922. La Voie sacrée est classée route nationale le 30 décembre 1923. En janvier 2006, la route a été déclassée en RD 1916.

(Source : Wikipédia – Dernière modification le 1 février 2023 à 20:38)

Arrêté du 15 février 2007 : La dénomination de la route départementale assurant la liaison entre Bar-le-Duc et Verdun, communément désignée sous le nom de « Voie sacrée », est désormais « Voie sacrée nationale ».

Source Légifrance JORF n°55 du 6 mars 2007 Texte n° 29

https://www.legifrance.gouv.fr/eli/arrete/2007/2/15/EQUM0600050A/jo/texte

Thierry Ramoné, Délégué FNRG – GR 189 de Lannemezan