La défense des Pyrénées au temps du Moyen-âge : des vallées d’Aure et du Louron, de Luchon au val d’Aran


Qui n’a pas remarqué, au détour d’une route des vallées des Hautes-Pyrénées et de Comminges, la présence de tours anciennes, isolées, évoquant la période du moyen-âge. Mais à quoi correspondent-elles réellement ? 


La réponse est dans le Bulletin de la Société Ramond (Bagnères-de-Bigorre) de 1910 et suivants. Maurice Gourdon y fait paraitre, sous le titre « Les tours, à signaux ou tours de guet dans le Haut-Comté de Comminges », le résultat de son étude. L’intéressé a répertorié les tours des régions de Louron, d’Aure, de Luchon et d’Aran, recensant pas moins de 57 édifices.


Qui est Maurice Gourdon ?

Né en 1847, luchonnais d’adoption, cet homme est géologue, membre de la Société Ramond et de la Société géologique de France, illustrateur, pyrénéiste.

Source/Liens : https://data.bnf.fr/12989890/maurice_gourdon/ et https://fr.wikipedia.org/wiki/Maurice_Gourdon

Comme l’indique Maurice Gourdon, ces tours sont manifestement très anciennes, édifiées au temps où une partie du département des Hautes-Pyrénées était territoire du Haut-Comminges.

Le territoire du Haut-Comté de Comminges

Avant le décret du 26 février 1790 créant les départements, une partie du territoire actuel des Hautes-Pyrénées était intégrante du Haut-Comité de Comminges. Ainsi l’explique Maurice Gourdon :

« (…..) Avant d’aller plus loin, nous ne croyons pas hors de propos de dire en quelques mots rapides ce qu’était le pays de Comminges.
L’ancien Comté de Comminges était délimité d’une manière générale comme suit : au Nord, par une ligne allant de l’Isle-en-Jourdain au confluent de la Garonne et de l’Ariège entre Muret et Toulouse ; au Midi, par la ligne de faîte des Pyrénées depuis le massif du Montcalm à l’Est jusqu’au pic de la Munia à l’Ouest, embrassant ainsi les vallées d’Aulus, du Salat, d’Aran, de Luchon, de Louron et d’Aure. Au levant, par une ligne se confondant sensiblement jusqu’à Rieux avec le cours de la Garonne, et puis avec la chaîne de montagnes qui sépare le Couserans du pays de Foix. Enfin au couchant, par une ligne passant par Samatan, Lombez, Boulogne, Lannemezan, Mauvezin, Cieutat, Uzer (village aux portes de Bagnères-de-Bigorre), Hèches et Aragnouet.

Le Comminges comprenait donc les arrondissements entiers de Saint-Gaudens et de Saint-Girons, la presque totalité de ceux de Muret et de Bagnères-de-Bigorre, près de la moitié de l’arrondissement de Lombez et un coin de la Catalogne : l’Aran. (…..) »- Maurice Gourdon.

Maintenant géographiquement situé, Maurice Gourdon, dans ses parutions, au nombre de quatre, répond à nos questionnements :


A quelle époque ces tours ont-elles été bâties ?

« (…..) Il ne serait pas téméraire, peut-être, d’assigner le XIe ou XIIe siècles à plusieurs d’entre elles. Mais après un examen attentif de celles encore debout, nous croyons pouvoir dire qu’elles ont dû être restaurées au XIVe siècle. Il est vrai que dans aucune de celles que nous connaissons, nous n’avons aperçu le petit appareil gallo-romain. Mais quand cela serait, qu’y aurait-il d’étrange, puisque nous avons vu les Romains faisant usage de tours avec des portes d’accès placées à une certaine hauteur, système conservé dans la plupart de celles qui nous occupent. (…..) » – Maurice Gourdon.

Quel était le rôle et le fonctionnement des tours ?

« (…..) Il parait absolument incontestable que ces tours placées en avant-poste étaient destinées à établir une surveillance active sur le pays environnant et particulièrement sur les passages fréquentés. Aussi les édifiait-on sur des éminences très en vue et pouvant facilement correspondre de l’une à l’autre. Mais on n’en rencontre jamais aucune sur les cimes on sommets proprement dits. (…..).

(…..) Dans les vallées des Pyrénées et quelques autres contrées montueuses, on remarque des tours de cette espèce, carrées, presque sans aucun accessoire. Toutefois, ces tours paraissent avoir surtout été destinées à faire le guet, afin d’avertir du danger ou de l’approche d’un ennemi. Elles pouvaient contenir une petite garnison. Quelques-unes ont à l’extérieur une chemise ou chemin de ronde garnie de petites tours aux angles (…..).

(…..) Pendant les périodes de troubles, elles devaient être occupées par une petite garnison suffisamment munie d’armes et de projectiles. Du haut de la plate-forme, abrités derrière les créneaux, des hommes faisaient le guet, tandis que d’autres montaient la garde sur le chemin de ronde. En général, la seule porte d’accès, placée au-dessus du niveau du sol, à une hauteur moyenne de 5 à 6 mètres, se fermait à l’aide d’une porte épaisse assurée à l’intérieur par une forte barre transversale s’enfonçant, de chaque côté de l’embrasure, dans l’épaisseur du mur. (…..).

(….. ) D’après un historien anonyme de la bataille remportée sur les Sarrasins dans la vallée d’Aure (Hautes-Pyrénées), nous savons que les Maures tenaient tous les châteaux-forts sur la montagne et bâtissaient, de loin en loin des tours en pierres sèches. Elles se voyaient entre elles et pouvaient ainsi facilement, à l’aide de grands feux, échanger nuit et jour des signaux. (…..). » – Maurice Gourdon 

Quelle est l’architecture intérieure de ces tours ?

« (…..) L’intérieur de ces tours était divisé en plusieurs étages séparés par des voûtes ou de simples planchers. A notre connaissance, on ne faisait pas usage d’escaliers pour communiquer de l’un à l’autre ; on ménageait tout simplement, au centre ou latéralement, un orifice dans la voûte ou le plancher, et, à l’aide d’échelles volantes, les hommes faisaient le service intérieur, ou, à l’aide d’un treuil, montaient ou descendaient, selon le besoin, les munitions ou projectiles de toutes espèces.

Une voûte supportant une plate-forme à créneaux formait d’ordinaire la couverture de ces tours. D’autres avaient pour couronnement des charpentes munies de hourds avec archières et mâchicoulis.

Au rez-de-chaussée, on emmagasinait les armes, projectiles et munitions de toutes sortes. Les autres étages servaient de logement au capitaine du poste et à la garnison. Plusieurs de ces tours sont munies de cabinets d’aisance, généralement placés à la partie supérieure et bâtis en encorbellement sur l’une des façades. On y aperçoit parfois, mais très rarement, des traces de cheminée et même d’éviers. (…..) » – Maurice Gourdon.

A quelle époque les tours ont-elles joué le plus grand rôle ?

«  (…..) Il serait fort difficile de l’affirmer avec certitude. Néanmoins il est naturel de croire qu’à l’époque féodale elles ont dû servir en permanence, puisqu’à tous moments il importait de surveiller ses voisins, de se garder des incursions de bandits et routiers de toutes espèces. Elles étaient munies d’armes et de vivres, gardées par une milice fournie par les Comtes eux-mêmes ou par les Communautés qui en avaient la charge en vertu de privilèges particuliers octroyés par les seigneurs. Ainsi plusieurs Communautés du pays de Luchon, et celle de Luchon même, possédaient des faveurs et certains privilèges.
Charte des privilèges accordés par Bernard, comte de Comninges, aux vallées de Luchon, en 1315 : «  » Moyennant ce, nos sujets seront tenus de défendre les passages, de prendre les armes, de protéger nos frontières, comme aussi de nous avertir si on tramait quelque chose de mal contre nous. Les habitants de l’Arboust de leur côté sont tenus de garder nos passages contre les invasions de nos ennemis. Les Consuls et la Communauté de Bagnères auront le droit de casser, de prendre, d’incarcérer, de punir, de condamner et de relaxer, si justice l’exigeait, tous les coupables, malfaiteurs, voleurs, escrocs, larrons et autres ; de les attacher au pilori, dans toute justice haute, basse et moyenne, depuis le territoire de montagne jusqu’au haut du port, et dans toute son étendue, et cela dans le but d’avoir les passages libres de toute entrave mauvaise. Même nous les autorisons à incarcérer nos officiers, s’ils s’opposaient (d’une manière quelconque) à l’exécution des présentes constitutions. «  ». (…..) » – Maurice Gourdon.

A quelle époque le réseau de tours était-il encore intact ?

« (…..) Nous l’ignorons. Mais depuis lors, quelques-unes ont totalement disparu. Il ne reste plus que le souvenir de leur existence et de la place qu’elles occupèrent, et même pas toujours. Si le temps a quelque peu contribué à leur destruction, les habitants pyrénéens n’y sont point étrangers. (…).

« (…..) Nous pouvons, sans crainte de nous tromper, affirmer que tout un système de correspondance était à l’époque parfaitement établi à l’aide de ces tours dans les vallées du Haut-Comminges.
Les lacunes que nous avons à constater sur certains points sont dues très probablement aussi à l’abandon dans lequel durent tomber ces postes, lorsque le genre de signaux employés et la surveillance jusque-là nécessaire, n’eurent plus leur raison d’être. (…..) »  – Maurice Gourdon.


Carte des tours à signaux :

Permalien : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6537883f/f36.item

L’intégralité des parutions « Les tours, à signaux ou tours de guet dans le Haut-Comté de Comminges »

01/04/1910 : Préface – Les tours de Sarrat de Soupère à Lège – Pages 91 à 122 inclus.

Permalien : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6533944f/f7.item

01/01/1911 : (Suite) de Cierp à Moulor – Pages 13 à 41 inclus.

Permalien : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k65339149/f15.image

01/07/1911 (Suite) de Génos à Tramesaïgue – pages 123 à 134 inclus.

Permalien : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6533945v/f25.image

01/01/1912 : (suite et fin) de St-Lary à Héchettes – Pages 17 à 25 inclus.

Permalien : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6537883f/f19.item

Sources :

Paragraphes cités Maurice Gourdon :  préface de la publication « Les tours, à signaux ou tours de guet dans le Haut-Comté de Comminges », référencée Société Ramond, 2013-126668. Auteur :  Société Ramond (Bagnères-de-Bigorre, Hautes-Pyrénées). Description :  Collection numérique : Fonds régional : Midi-Pyrénées. Conservation numérique :  Bibliothèque nationale de France. Droits : Consultable en ligne. Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb34431184m

Date de mise en ligne :  30/09/2013

A savoir :

Découpage administratif de la France sous l’Ancien régime

Permalien : https://francearchives.gouv.fr/fr/article/256318841
Source : FranceArchives, portail national des archives – francearchives.gouv.fr


Toutes les œuvres de Maurice Gourdon 

Permalien : https://data.bnf.fr/fr/see_all_activities/12989890/page1 Informations mises à jour le 2023-04-18