Le château de Lannemezan, entre réalité historique et légendes


« Place du Château » : l’intitulé évoquerait-il un passé médiéval de la ville. Pourtant sur les lieux, aucune ruine, aucun indice ne permet d’attester l’existence d’une structure fortifiée, de localiser son emplacement. Alors, réalité historique et légende ?


« Place du Château » : l’intitulé évoquerait-il un passé médiéval de la ville. Pourtant sur les lieux, aucune ruine, aucun indice ne permet d’attester l’existence d’une structure fortifiée, de localiser son emplacement. Alors, réalité historique et légende ?

« (…..) Que ces sceptiques sachent que pendant 500 ans environ, une construction féodale (ou ses ruines), a partagé la vie et le sort des chaumières lannemezanaises. (…..). Si certains sceptiques sur son existence s’appuient sur le « vide » de la place du Château, d’autres, plus imaginatifs creusent un souterrain depuis cette place jusqu’aux marnières du Culassou ou bien prennent, avec sérieux, le fait qu’un roman récent, relatant les exploits d’un chef bandoulier, conduit ses héros, par un souterrain, du château de Mauvezin, à celui de Lannemezan ! (…..) » – Gabriel Puyau, 1984 (1)

L’existence du château avant même la ville de Lannemezan

La forteresse, implantée sur les terres sous influence de la Maison d’Aure, assurait, indéniablement, la défense et la protection de la population des landes environnantes. Le château, selon les sources référencées, est édifié avant l’An 1232, comme le mentionne l’auteur Gabriel Puyau :

« (…..) Alors que le château de la Maison d’Aure surveillait, isolé, la lande de Boc et la lande Houlie, il fut choisi en août 1232, comme lieu de réunion pour trouver un compromis à la rivalité qui opposait Pétronille de Bigorre à son frère Bernat VI, pour la succession de Bernat V, Comte de Comminges, mort sans testament et dont la disparition fut un événement de grande importance pour le Nébouzan et le Comminges, proprement dit. (…..).

(…..) Pendant cette journée d’août 1232, l’animation fut sans doute très grande autour du château des Comtes d’Aure ; on peut imaginer des curieux venus des communautés voisines, peut-être aussi quelques bandouliers, envieux, de rapines, mais calmés par la vue des escortes armées des participants. Certainement, que les capitaines des châteaux voisins, ainsi que celui du Castel de Lannemezan n’eurent pas à intervenir, ce jour-là, sur les chemins et poutges du Plateau. (…..) 

(…..) Le 2 octobre 1345, Gaston-Fœbus où, plutôt, sa mère et tutrice, acheta de Gérard d’Aure, seigneur de Mautauban, au diocèze de Comminges, le château et la bastide de Lannemezan, ainsi que les dépendances, pour la somme de 17 000 livres. (…..).

(…..) Il rattacha le village de Lannemezan, non point à la Châtellenie de Saint-Plancard, la plus proche, mais à celle d’Aulon, plus tard de Cassagnabère, la plus éloignée, mais sans doute, la moins importante des deux autres.(…..)

Fondation de la ville de Lannemezan

Il est de notoriété qu’un château assure la sécurité, mais aussi la prospérité d’une contrée. Rien d’étonnant de voir, peu à peu, le nombre de chaumières augmenter non loin de l’édifice.  L’expansion démographique amène la Maison d’Aure à prendre une décision d’importance : la création d’une bastide. En cas de nécessité, les habitants de cette ville trouveront protection dans l’enceinte du château. Les Coutumes de l’An 1542 précisent ce droit d’asile, qui contrairement à l’usage dans les autres forteresses, est gratuit (source : « Suppositions et documents sur le château de Lannemezan » par Gabriel Puyau).

« (…..) Quand, le 27 avril 1274, la Maison d’Aure octroya la Charte des Coutumes, portant création de la Bastide de Lannemezan, elle y possédait déjà un château. Le premier seigneur de notre cité fut donc un membre de cette famille d’Aure-Larboust qui céda, en 1345, son château et le lieu de « Lanamesan » à Gaston-Phœbus, sans bien en préciser les limites ; rattachée à la Châtellenie de Cassagnabère, et non à la Viguerie de Mauvezin limitrophe, la Communauté de Lannemezan était surveillée par un capitaine-châtelain, représentant le Vicomte de Nébouzan. (…..) – Gabriel Puyau, 1982 (2)

(…..) La ville, de Lannemezan possède un acte confirmatif de sa charte de fondation. Cet instrument, dressé en 1408, est écrit sur une seule peau de parchemin mesurant 0,60 de hauteur et 0,53 de largeur. Il contient, y compris les renvois, 75 lignes d’écriture cursive du XVe siècle. Il est lacéré au pli du milieu et maculé d’une grande tâche brune triangulaire couvrant près des trois quarts du texte. (…..) » – Paul de Castéran, 1898 (4)

Emplacement du château

Ainsi, à partir de 1274, le château, outre les landes, veille sur une ville. De nos jours, en l’absence de ruines, difficile de visualiser dans quelle partie de l’agglomération était implantée la forteresse. Des éléments sur le sujet sont toutefois consignés dans quelques ouvrages.

« (…..) Paul de Castéran, dans la Revue de Comminges – 1898 (la lande de Boc), rappelle que l’Armée des Vicomtes, commandée par Montgomery, se jeta brusquement du Comté de Foix, en Bigorre. La lande de Boc ou lande Condau lui offrit un couvert sûr et, le 6 août 1569, elle pilla et brûla l’église, les maisons ecclésiastiques « tout le 7e enclos et le Château Comtal dont la chapelle du Foirail marquait l’emplacement ». (…..).

« (…..) Dans l’angle nord-est du foirail, là où, autrefois le marché aux veaux se tenait, de hauts platanes existaient. Pendant leur abattage, un « silo », recouvert d’une épaisse dalle de schiste, fut dégagé ; de forme rectangulaire, il servit aux enfants du quartier, de lieu d’amusement ; sous le macadam de la place cette cavité existe encore. Elle n’est, peut-être, pas la seule ! Elle constitue, sûrement, un reste du château, mais de quelle partie ? Première enceinte, deuxième enceinte (si elle existait) ? L’absence de fondations dans ces châteaux du Moyen Age n’a pas permis de localiser celui de Lannemezan. Les tranchées des égouts, de l’eau potable n’ont jamais rencontré des maçonneries enterrées. (…..) » Gabriel Puyau, 1984 (1)


Le château d’après le plan de Gaye (1603)

De nos jours, il n’existe plus autre trace du château dans Lannemezan, hormis un nom donné à une place publique. Alors, à quoi pouvez ressembler celui-ci ? Pour s’en donner une idée, il existe un croquis réalisé au XVIIème siècle. Sous des traits quelque peu simplistes, il a le mérite d’en être l’unique représentation.

« (…..) Il date du 10 octobre 1603 ; c’est un plan figuratif, dessiné par Jean Gaye, maître-peintre, et représentant les landes du Lannemezan en litige entre les communes de Lannemezan, Avezac, Labarthe- Mour et Escala.

L’original, déposé au Trésor royal de Pau, a péri dans un incendie d’archives ; une copie faite en 1852, nous montre les remparts de Montréjeau, le château de Montoussé, celui de Lannemezan, la Barraque du Seigneur de Devèze et la maison de la Roque.(…..).

(…..) Tel qu’il se présente, le dessin stylisé du château a, au moins le mérite de nous prouver qu’en 1603, il existait une construction ou des vestiges de bâtiments que le peintre Jean Gaye a restauré à sa façon.

(…..) Des trois tours dessinées, celle qui est placée au centre paraît être la tour carrée primitive, les deux autres pouvant avoir été construites postérieurement ; peut-être par les vicomtes de Nébouzan ou par Gaston Fœbus après son achat de 1345. Ce plan de 1603 ne montre pas très bien l’accès au château des voyageurs venant de Montoussé, ou de Pinas, par les Carrères de la Naude (rue du 4-Septembre) et du Bourié (rue Voltaire). (…..) – Gabriel Puyau, 1984 (1)

Les derniers vestiges du château

Au XVIIème siècle, la forteresse de Lannemezan semble déjà à l’état de ruines à en croire les écrits qui suivent. Visiblement, les séquelles de conflits successifs ont eu raison de son existence.

« (…..) En 1627, le vice-sénéchal d’Armagnac, Jean de Puysségur visita les châteaux de la région. Est-ce lui qui, dans son rapport, écrit : « les chasteaux de Miremont et Lanamesan sont entièrement des mantelés, desmolis et razés par les guerres civiles du royaulme, ne paroissant que quelques mazures et vestiges de leur anciene stucture. ». (…..)

 (…..) La délibération du 15 août 1728 (…..) énumère les fiefs, droits et redevances à payer à leur Seigneur, Messire Louis Antoine de Pardeilhan, Duc d’Antin, Pair de France. Les Consuls en place « Jean Ducuing, Bertrant Galan, Jacques Dasque et Simon Dasque », assistés de 64 chefs de famille, établissent cette liste. Ils reconnaissent devoir payer : « aud, Seigneur 18 sols, à raison d’une Place où il y avait autrefois, un château, appellé, encore, aujourd’hui, le Castet où il y a quelque morceau de vieille muraille ».

Un pan de muraille, vieux de plus de 500 ans, existait, donc de ce château signalé par Froissard, dans ses Chroniques du XIVe siècle. Après avoir quitté le Comminges, cet historien, originaire du Nord de la France, rencontre la Bigorre et note, au sujet de notre château : « Emmy, (milieu), Lane de Boc, sied le Chastel de Lamesin, qui est au Comte de Foix. » S’il situe le Castel au milieu de la lande, ce chroniqueur, d’origine flamande, a francisé avec sa langue d’Oil, le nom de notre château, de même que ceux de Tuzaguet et de Lutilhous qu’il désigne par Le Trigalet et Nantilheu. (…..) » – Gabriel Puyau, 1984 (1)

La chapelle du château ou de N-D. des sept-douleurs et la légende du puits

Il fut un temps où la place du château était pourvue d’une chapelle dédiée à Notre-Dame des sept douleurs. L’édifice religieux avait, outre sa légende, la particularité d’avoir notamment été bâti avec des pierres du château.

« (…..) La chapelle du Castet subit, en 1887, les atteintes de la foudre. Une imposante croix en chêne marquait encore son emplacement après la guerre 1914-1918. D’après la tradition, dans le chœur de cette chapelle, se trouve un puits renfermant un trésor, rapporte Barifouse dans son petit livre sur les 4 vallées (…..) » – Gabriel Puyau, 1984 (1)

Voici ce qui dit, à ce sujet, Bertrand Barifouse en 1874 :

 « (…..) Sur la place au bétail, appelé castet, existent les débris d’un château-fort, ancienne châtellenie de la Vicomté du Nébouzan. Lorsqu’on démolissait les murs, pour faire la place actuelle, un ouvrier trouva un pot de terre rempli de pièces d’or. Ce trésor servit à édifier une chapelle, consacrée à N-D. des sept-douleurs (…..). Cette chapelle, encore dénommée chapelle du château, possède une petite clochette qui est réputée avoir le don d’écarter la grêle. Dans le chœur se trouve, dit-on, un trésor. On remarque, à gauche de l’entrée de la porte extérieure, une pierre provenant de l’ancien château, ainsi que celle qui sert de bénitier, laquelle se trouve dans le mur à droite en entrant. Elle est aussi sortie des murs du château ; sa forme est celle d’un casque romain. (…..) » – Bertrand Barifouse, 1874 (3)

Le mot de la fin

« (…..) Avec les châteaux voisins de Mauvezin, d’Esparros, d’Avezac, de La Barthe, de Montoussé, de Saint-Paul, de Lutilhous, de Tuzaguet, etc.., celui de Lannemezan a dû tisser une toile de souvenirs sur la vie moyenâgeuse des landes du Lannemezan, riches en poutges herbeuses, jadis utilisées des bâtisseurs de Tumuli, riches de la Ténarèze, des voies romaines ou des chemins fréquentés par les voyageurs ou les pèlerins de Saint-Jacques, trouvant à Pinas, à La Grange-Lapalu, à la Barraque du Seigneur de Devèze, le gîte et le repos de la nuit. »

Gabriel Puyau, 1984 (1)

Références des sources :

(1) « Suppositions et documents sur le château de Lannemezan » par Gabriel Puyau, instituteur et historien local. Source : Revue de Comminges, Société des études du Comminges (Saint-Gaudens, Haute-Garonne). Auteur :  Académie Julien Sacaze société pyrénéenne. Date d’édition :  01/01/1984. Description :  Collection numérique : Fonds régional : Midi-Pyrénées. Conservation numérique :  Bibliothèque nationale de France. Droits : Consultable en ligne. Date de mise en ligne : 02/09/2013. https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6537974t/f403.item

(2) « Quelques notes sur le passé seigneurial de Lannemezan » par Gabriel Puyau, instituteur et historien local. Source : Revue de Comminges, Société des études du Comminges. Date d’édition :  01/01/1982. Description :  Collection numérique : Fonds régional : Midi-Pyrénées. Conservation numérique :  Bibliothèque nationale de France. Droits : Consultable en ligne. Date de mise en ligne :  04/07/2013. https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k65351716/f113.image

(3) « Études historiques sur le pays des Quatre-Vallées » par Bertrand Barifouse, professeur de langues étrangères. Source : Abadie (Saint-Gaudens). Date d’édition : 1874. Bibliothèque nationale de France, département Philosophie, histoire, sciences de l’homme. Conservation numérique :  Bibliothèque nationale de France. Droits : Consultable en ligne. Date de mise en ligne : 28/05/2012. https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k8411819/f215.item

(4) « La lande de Boc » page 256, par Paul Castéran, membre de la Société archéologique du Midi de la France. 01/01/1898. Source :  Société des études du Comminges, 2009-14818. Conservation numérique :  Bibliothèque nationale de France. Droits : Consultable en ligne. Date de mise en ligne : 19/01/2011. https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5726042f/f253.item