Les conflits des 1ère et 2ème guerres mondiales nous ont laissé un patrimoine mémoriel national important. Il se décline de différentes manières. Des associations ont ainsi pérennisé les itinéraires routiers empruntés par les Armées libératrices : La Voie sacrée, la Voie de la 2ème D B, la Voie de la liberté, ou au plus près de nous, dans les Pyrénées, la Route de la liberté qui, elle, se consacre aux évadés de France refusant le joug nazi.
Ces itinéraires sont identifiables par la mise en place de signalisations routières spécifiques. Il est une route qui ne peut toutefois pas être concrètement balisée : la voie maritime. Faut-il pour autant qu’elle soit reléguée aux oubliettes de l’Histoire ? Elle ne saurait l’être et perdure dans la Mémoire à travers celle des hommes qui l’ont empruntée.
Dès la débâcle de juin 1940, des Français ont refusé la domination imposée par l’Allemagne nazie. Ils ont emprunté, justement, la voie maritime pour rallier le Général de Gaulle en Angleterre. Les marins de l’île de Sein, petit bout de terre au large de l’extrémité Sud-Ouest de la Bretagne, face à la pointe du Raz, sont parmi ces hommes.

A la mobilisation de 1939, plus de 230 hommes quittent l’île de Sein pour rejoindre leurs affectations. Le recensement de 1936 ne dénombre que 1328 habitants. Pourtant, en juin 1940, les hommes restés sur leur terre répondent à l’appel du général de Gaulle. 128 marins embarquent pour l’Angleterre. Le plus âgé a 54 ans et le plus jeune 14. Ils figurent ainsi parmi les Français libres de la « première heure ».
L’action patriotique de ces marins fait de l’Île de Sein la commune française la plus décorée au titre de la Seconde Guerre mondiale : Compagnon de la Libération – décret du 1er janvier 1946, Croix de Guerre 39/45, Médaille de la Résistance avec rosette.
Seules 04 autres communes françaises sont décorées de l’Ordre de la libération : Nantes (1941), Grenoble (1944), Paris (1945) et Vassieux-en-Vercors (1945)
Source : www.ordredelaliberation.fr

Blason de l’Ile de Sein

L’Île de Sein est ainsi, depuis 1946, compagnon de la libération. Cet ordre est institué par le général de Gaulle en 1940 afin de récompenser les personnes ou les collectivités militaires et civiles qui se sont signalées dans l’œuvre de libération de la France et de son Empire.
Dès lors, qui mieux que le musée de l’Ordre de la Libération peut relater l’acte héroïque de ces marins.  Ce texte retranscrit intégralement est accessible depuis le site Web du musée :

« Située en Bretagne, au large de la Pointe du Raz, la petite Ile de Sein (56 hectares) comprend 1 400 habitants en septembre 1939. Une grande partie des hommes sont mobilisés alors qu’une petite garnison d’une vingtaine d’hommes y prend place.
En juin 1940, en plus des combats aériens qui se déroulent au-dessus de leurs têtes, les informations parviennent aux Sénans par les bateaux qui accostent ou par les rares postes de TSF à accus et à galènes qui se trouvent sur l’Ile sur laquelle il n’y a pas l’électricité.
C’est ainsi que sont connues, le 19, la prise de Rennes et l’évacuation de Brest. Le jour même, l’Ar Zénith, qui assure deux fois par semaine le transport de passagers, de marchandises et du courrier entre Audierne et l’Ile de Sein, fait escale sur l’Ile. Il a à son bord une centaine de militaires dont des chasseurs alpins, des jeunes gens d’Audierne et du matériel de guerre qu’il doit emmener à Ouessant. Vers 19H00, il repart avec exclusivement les militaires, accompagné de la Velléda, ravitailleur des phares, qui a pris en charge les civils et les iliens. En réalité l’Ar Zénith, après escale à Ouessant, traverse la Manche sur ordre des autorités militaires et gagne Plymouth ; les quatre membres de son équipage sont les premiers habitants de l’Ile à partir vers l’Angleterre.
Le retour de la Velléda le lendemain informe les Sénans de la situation. Le 21 juin, la garnison quitte Sein. Prévenus qu’un général français doit parler à la radio de Londres, quelques dizaines d’iliens, réunis autour d’un des postes de TSF, entendent le discours du général de Gaulle le 22 juin. Fortement impressionné, chacun retourne chez soi alors que des avions bombardent des cargos qui passent au large.
Le 24 juin, le maire fait afficher qu’un avis, reçu d’Audierne par téléphone, ordonne aux militaires de se rendre aux autorités allemandes d’Audierne. Réagissant à cette menace d’être fait prisonnier, Jean-Marie Porsmoguer et Prosper Couillandre prennent sur eux d’armer leurs bateaux, respectivement la Velléda et le Rouanez-ar-Mor. A 21 heures, les deux navires sont pleins, chargés d’hommes en âge de combattre.
Le 25  juin, un bateau de l’Ile se rend sur le continent où une affiche annonce que tous les hommes de 18 à 60 ans doivent se tenir à la disposition des troupes d’occupation. Nouvelle menace et nouvelle réaction : le lendemain, deux nouveaux bateaux, le Rouanez-ar-Péoc’h de François Fouquet et le Maris Stella de Martin Guilcher partent à leur tour. Le Corbeau des mers de Pierre Couillandre avec ses passagers les suit de peu. Comme la veille, le maire et le recteur (curé) encadrent ces départs et les plus jeunes (quinze ans ou moins) n’ont pas le droit de partir.
Ainsi, du 24 au 26 juin, 114 îliens, que la mobilisation avait écartés à cause de leur âge ou de leurs charges de famille, partent de Sein. Plus tard, d’autres rejoindront l’Angleterre par divers moyens. Au total, 128 Sénans quitteront l’Ile pour la Grande-Bretagne ; le plus âgé a alors 54 ans et le plus jeune 14. Début juillet, ceux qui ont rejoint l’Angleterre sont regroupés, avec trois cents autres volontaires, à l’Olympia Hall, à Londres, où le général de Gaulle les passe en revue. Serrant la main à chacun, qu’il interroge sur son origine, le chef des Français libres, extrêmement surpris du nombre de Sénans présents dans l’assistance, aurait alors dit : « l’Ile de Sein, c’est donc le quart de la France ! ».
Les Sénans reçoivent ensuite diverses affectations, en fonction de leur âge et de leurs spécialités, la plupart étant admis dans les Forces navales françaises libres et servant dans un premier temps sur le Courbet. Les plus âgés sont ensuite affectés au Service des pêches de Penzance ou dans la marine marchande de la France libre et participent au ravitaillement de l’Angleterre. Vingt-deux d’entre eux sont morts pour la France.
Les Allemands arrivent sur l’Ile dès le début de juillet 1940 avant d’y affecter une petite garnison d’infanterie et la douane maritime (GAST) qui exerce son contrôle sur les bateaux de pêche. Ils y installent également des mines et des barbelés. Une sévère réglementation est appliquée concernant la circulation tant sur mer que dans l’Ile où ceux qui obtiennent un laissez-passer et l’autorisation temporaire de la quitter laissent leur famille comme garant de leur retour. »

Source : texte issu de www.ordredelaliberation.fr
Monument de l’Ile de Sein en hommage aux Sénans

Le courage de ces hommes est fort bien décrit dans le texte rédigé par le musée de l’Ordre de la Libération. Ecartés à cause de leur âge ou de leurs charges de famille, ils sont tous volontaires pour défendre la France. Mais que dire de la détermination et l’abnégation de Louis Fouquet.
En juin 1940, Louis Fouquet est âgé de 14 ans. Il est le plus jeune des 128 Sénans à avoir quitté l’île bretonne pour rejoindre le général de Gaulle à Londres.
A la mort de l’intéressé en 2018, le journal « le Figaro » lui consacre un article :

« (….) Louis Fouquet se trouve à bord du premier navire, un ravitailleur des Phares et balises, où ont également embarqué son père et son frère. Mais lui s’y cache, dissimulé sous une serpillière près des machines. « J’avais 14 ans quand j’ai décidé de partir. Je [les] avais entendus parler de leur projet de rejoindre De Gaulle. J’ai fait de même, sans prévenir ma famille (…) Ce n’est qu’en pleine mer que je suis sorti de ma cachette. À la surprise de tout le monde », a-t-il raconté en 2014 lors d’une cérémonie sur l’île de Sein en présence du président François Hollande. (….)

Extrait de l’article de « lefigaro.fr » du 11 octobre 2018

Si le musée de l’Ordre de la Libération consacre une part belle pour l’île de Sein, la Fondation de la France libre n’est pas en reste.
A l’occasion de la cérémonie organisée le 24 juin 2022, la Fondation publie une brochure-hommage intitulée « Aux Français Libres de l’Ile de Sein qui ont refusé la défaite ».  Le document est réalisé conjointement avec le maire de l’Ile de Sein. Le livret s’inscrit dans le cadre des travaux du groupe de recherche historique de la délégation au souvenir des marins de la Fondation de la France Libre.

« Il vise à rappeler l’histoire souvent oubliée de ces marins FNFL, qui ont assuré des missions héroïques et périlleuses : sous-marins sur les côtes de Norvège, corvettes dans la bataille de l’Atlantique, chasseurs de sous-marins et vedettes lance-torpilles dans la Manche, torpilleurs, avisos et patrouilleurs sur tous les autres théâtres d’opérations, fusiliers marins accompagnant la 1re DFL dans sa longue marche, commandos dans leurs raids sur les côtes de France, aviateurs dans le ciel au-dessus de la Manche et marins marchands sur tous les océans. »

Extrait de l’article de www.france-libre.net

Les exploits des marins de l’île de Sein ne s’arrêtent pas à la littérature et aux musées. L’héroïsme est aussi chanté par le groupe musical folk rock breton Tri Yann. Cette chanson est intitulée sombrement « Sein 1940 ».

Le 25 avril 2023, la Section fédérale André Maginot GR 189 de Lannemezan obtient, à titre individuel l’autorisation d’intégrer le morceau musical au présent article : « Sein 1940 » 
Cet accord est accompagné du commentaire suivant : « Chanson écrite en hommage aux valeureux volontaires qui ont quitté l’Ile de Sein pour rejoindre cette juste cause ».
Un GRAND merci au groupe Tri Yann.

(1) www.ordredelaliberation.fr -Page éditoriale.
Lien : https://www.ordredelaliberation.fr/fr/ile-de-sein .
Avec l’aimable autorisation de Monsieur le conservateur du musée l’Ordre de la Libération en date du 19 avril 2023.
(2) www.lefigaro.fr  – Article du 11-10-2018 mort-de-louis-fouquet-dernier-des-marins-libres-de-l-ile-de-sein.
Lien : https://www.lefigaro.fr/actualite-france/2018/10/11/01016-20181011ARTFIG00156-mort-de-louis-fouquet-dernier-des-marins-libres-de-l-ile-de-sein.php
(3) www.france-libre.net
Lien : https://www.france-libre.net/site/wp-content/uploads/2022/09/Brochure_64p_Ile-de-Sein_sept22.pdf

Thierry Ramoné, FNAM – GR 189 Lannemezan